La moisson a été bonne pour Marc Déry. Celui qui détient le calme et la solidité des créations de longue durée, avec son folktronica allègre et bien expédié, a toujours su amener un son authentique avec ses six albums solos, portant des mots criants de véracité.
Les trois albums avec son groupe Zébulon, Zébulon (1994), L’oeil du Zig (1996) et Retour sur Mars (2008) témoignent d’une personnalité unique, d’un registre musical à la fois simple mais maîtrisé, sans fioritures, ces textes de chanson intelligents nous transportent.
Avec quelques trophées Félix pour souligner l’originalité et les chansons du groupe (Job Steady, Les femmes préfèrent les Ginos, etc.), il travaille avec son ami et batteur Alain Quirion alors que Zébulon met fin à ses activités et son premier disque en solo arrive à nos oreilles en 1999. Un disque-phare, rempli d’humanité à l’aube du nouveau millénaire. Consacré au Gala de l’ADISQ en remportant le Félix du meilleur arrangement, le disque éponyme de Marc Déry a changé l’allure du paysage musical au Québec.
« Je me méfie des modes parce que tu es toujours derrière. Je me demande plutôt si je suis dans mon propre courant, celui que j’ai toujours imaginé. J’ai besoin de sentir que je suis dans une démarche, peu importe laquelle. C’est ça qui me motive. »
Avec sa ligne à lancer léger de Poisson d’avril à R'viens pas trop tard ou Le monde est rendu peace saupoudré d’astucieux échantillonnages, Marc Déry possède une sorte de bonheur permanent de la trouvaille. S’en suivent quatre disques tout aussi aventureux, À l’avenir (2002) est malaxé autrement, avec des mélodies suaves portées par des riffs royaux, bref un folktronica du meilleur effet. À la figure, paru en 2005 toujours sur le label Audiogram, donne des envie de grandeur au musicien qui livre ses nouvelles chansons avec un groupe de quatorze musiciens!
« Chaque phrase évoque un tableau plus grand que la phrase. C’est très important qu’une chanson respire, qu’elle soit enveloppante, agréable à écouter et que ça crée des images, faut que ça fasse du bien. »
Numéro 4 sorti en 2011 marque un hiatus de sept ans sur disque mais le retour de Zébulon sur disque et sur scène en 2008 s’explique en grande partie. Le musicien a multiplié les collaborations, joué avec Les Ringos, groupe-hommage aux Beatles dans lequel Déry exhibe avec fierté sa basse Hofner si caractéristique à Paul McCartney, donné des ateliers à Granby, à Dégeli, coaché des finissants du concours Ma première Place des Arts, fait du mentorat, bref il s’est payé quelques délicieuses tranches de plaisir entre deux albums.
Atterrissage sort de sa gestation en 2019 toujours sur le label Audiogram. Un autre très grand disque de Marc Déry élaboré sous de multiples déclinaisons: électronique, acoustique, urbain, rêveur, auto-critique, ce sont d’abord ses histoires, les humains qui l'entourent, tout est calibré, pas de doute, cette inspiration ne s’étiole jamais. On se coule dans ce disque et on l’use sans s’en apercevoir. La pochette est une peinture de l’artiste Brigitte Matte.
À l'automne 2025, Marc Déry présentera J’aime ça quand t’es là, un sixième album qu’il a concocté dans son petit studio, intéressé cette fois par le gadget électronique MPC (boîte à beats) que lui a fait connaître Pierre-Luc Cérat, le co-réalisateur d’Atterrissage et qui a répondu à nouveau présent à l’appel du musicien, ce qui laisse augurer le meilleur. Ce nouvel opus, enveloppé de riches textures sonores, d’échantillonnages et d’emprunts, nous ramène à l’essentiel de la démarche mélodique de Déry, tout en la renouvelant.
Le musicien, compositeur, arrangeur, mentor et réalisateur a laissé une empreinte très forte sur le paysage musical québécois. Au tournant de la soixantaine, le coup de rétroviseur de Marc Déry est éclatant. Il n’est pas venu au festin les mains vides en concoctant méticuleusement des chansons qui possèdent une intensité vibrante, les schémas folk-blues-country élaborés trouvent leur chemin jusqu’à l’âme et les sentiments.
Il a réalis�� l’album de JP Le Pad Tremblay, membre de Québec Redneck Bluegrass, son esprit de collaboration demeure intact. Depuis Les Colocs, dont il fut leur premier bassiste en 1990, jusqu’aux assauts provocateurs de Dédé Traké avec lequel il a joué avant Zébulon, Marc Déry a traversé les trente dernières années en marchant sur des hauts sommets.
À un nouveau public de l’apprécier, surtout aux plus jeunes, de découvrir ses chansons, d’en apprécier le génie, d’en saisir les origines et d’en comprendre les liens avec la musique qu’ils écoutent. Les musiciens sont des passeurs. C’est ainsi que les connexions s'opèrent et que l’histoire se crée. À vous de mieux laisser traverser la lumière qu’apporte sa musique.